Le jour où Lorelei est née, Mère Nature s’est sentie d’humeur prodigue. L’enfant eu, comme tant d’autres elfes, un minois charmant dont même la plus jolie demoiselle d’Arkheynos n’aurait pu rêver. Mais quand vint l’âge adulte, la jeune femme s’épanouit avec beaucoup de générosité, même pour une elfe. Haute et plantureuse, la taille marquée, une peau d’albâtre et une opulente chevelure dorée, rien ne manque au tableau. Elle s’enorgueillit d’ailleurs de ce physique qui donne le tournis et aime se mettre en valeur dans des robes échancrées (certaines ont si peu de tissu que l’on pourrait s’interroger sur leur dénomination de robe). Il n’y a bien que sa sœur aînée pour railler son anatomie, une attitude qu’elle attribue à de la jalousie.

Souvent parée de bijoux, Lorelei se maquille en revanche très peu. Manier le pinceau n’a jamais été son fort, même lorsque la toile est son propre visage. Il n’existe de toute façon aucun fard qui puisse vraiment rehausser ses prunelles mordorées.
Rompue à l’exercice de la danse, elle jouit d’un certain tonus et a conservé l’habitude de faire de l’exercice physique depuis son passage au service militaire. Malheureusement, cela ne fait pas d’elle une grande baroudeuse et ses expéditions à la recherche d’archives perdues ou d’artefacts oubliés la mettent parfois à rude épreuve.

Les cales sur ses mains sont celles de quelqu’un qui manie beaucoup la plume et rarement l’épée. Elle ne coupe jamais ses ongles à ras. Les chaussures à talon lui font mal aux pieds, elle préfère être pieds nus ou dans des sandales plates. Ses cheveux sont souvent tressés, mais seulement à leur extrémité. Elle peut faire un salto arrière ou le grand écart, mais aura besoin de ses deux bras pour soulever une grosse pile de livres. Son expression est douce et le sourire lui vient facilement, cependant il peut souvent être hautain, voire cruel si elle a affaire à un humain. Rien ne fait plus briller ses yeux que pratiquer la magie ou de voir sa sœur accomplir des prouesses.

Plus tempérée qu’Ayda, Lorelei ne vit qu’à l’aune des accomplissements de son aînée. Il n’y a qu’un an de différence entre elles, pourtant la plus jeune voue une admiration sans bornes à celle que toute la nation reconnait comme étant un prodige sans commune mesure.
Une admiration néanmoins teintée d’envie, et qui la pousse depuis son plus jeune âge à faire la course pour se hisser dans la lumière. L’exercice parait vain à présent que le talent naturel de la première-née a creusé un fossé béant entre elle et le reste des pratiquants de la magie, néanmoins Lorelei n’a pas abandonné. Plutôt que de se morfondre, elle rêve de devenir, elle aussi, archimage et de pouvoir se tenir aux côtés d’Ayda sur le champ de bataille. Elle ne souhaite pas la détrôner, juste l’égaler.

Vivre dans l’ombre envahissante de son génie de frangine n’a pas fait d’elle une jeune femme timide et effacée, bien au contraire. Face au tempérament inflexible d’une sœur qui profite de ses privilèges d’aînesse pour l’enquiquiner, l’elfe s’est fait piquante et mordante pour tenir lui tenir la dragée haute. Aujourd’hui, c’est une jeune femme qui n’a pas la langue dans sa poche et peut se montrer remarquablement autoritaire et insolente, en dépit de son apparente douceur.

Très impliquée dans l’étude de la magie, Lorelei a étudié avec beaucoup d’obstination pour tenter de combler ses lacunes, au point de se faire traiter un beau jour de rat de bibliothèque. Il aura fallu un bon coup de pied aux fesses de la part d’Ayda pour qu’elle réalise qu’un parcours académique n’est rien sans prendre des risques à l’extérieur. Extrêmement motivée par son objectif, elle prend avec plaisir tous les conseils qu’on lui donne, particulièrement lorsqu’ils proviennent de personnes qui ont réussi.

Au quotidien, c’est une étudiante plutôt passe-partout. Elle aime s’accorder des moments de détente après de longues sessions de travail, s’adonne à la danse et au chant sur son temps libre, aime prendre soin d’elle pour satisfaire sa nature coquette. Elle n’a pas honte d’admettre qu’à défaut de briller dans sa pratique des arcanes, elle aime être remarquée pour sa beauté. Sa fierté peut confiner à la vanité, par moment.
Sur un versant plus flatteur, la jeune femme sait se montrer modeste lorsqu’elle réalise être dans l’erreur. Curieuse et attentive, elle est d’avis que l’on peut apprendre de tout le monde. C’est d’ailleurs cette facette très observatrice qui l’a naturellement poussée vers la divination.

Vis-à-vis des humains, l’elfe est catégorique : le monde se portera mieux sans eux et ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne soient vaporisés jusqu’au dernier. Même en tant qu’esclaves, ils sont encombrants. Leur nombre et leur ingéniosité ne les sauveront pas éternellement, elle en est persuadée. D’ailleurs, elle compte bien rejoindre les rangs des combattants pour participer à l’avancée du conflit. Les elfes sont ce qui se fait de mieux en termes d’êtres civilisés et ils méritent amplement leur place incontestée au soleil.
Les autres races, comme les gobelins et les orcs, ne provoquent chez elle qu’un sentiment d’indifférence. Les premiers sont presque remarquables par leur esprit ingénieux, mais manque cruellement de savoir-vivre, les seconds sont de véritables forces de la nature mais se hissent à peine au rang de créature pensante. Il n’y a rien à en dire, s’ils sont utiles, tant mieux, s’ils sont une nuisance, il suffit de s’en débarrasser.

Il est bon de noter que, malgré ses positions très claires sur la politique expansionniste et racialiste de sa nation, Lorelei n’est pas aussi assoiffée de sang que sa sœur. Moins extrême dans ses actes, elle ne prend pas spécialement de plaisir à faire souffrir. Ce qui lui importe réellement est le prestige qu’elle peut apporter à sa famille, l’approbation de son aînée et l’avancement de ses propres compétences magiques.

NB : bien qu’elle refusera toujours de l’admettre, même sous la pire des tortures, il lui arrive de trouver le physique de certains humains plaisant à regarder. Ce qui, généralement, l’enrage au plus haut point.

Il est des destins cousus d’héroïsme et de grandeur, des histoires qui méritent d’être inscrites dans les livres et des genèses qui passionnent tout autant que les péripéties du héros une fois arrivé à l’âge adulte.
Ce n’est pas le cas pour Lorelei.
Née à Luhorn dans une famille très ordinaire, les seuls troubles de son enfance furent ceux que l’on rencontre lorsque l’on grandit avec une sœur aînée. Enfant sage quoique facilement entraînée à faire des bêtises, la petite elfe n’avait rien de remarquable. Bonne élève, un peu chouineuse, plutôt responsable, elle ne causait pas de problèmes à ses géniteurs et passait le plus clair de son temps à suivre Ayda comme son ombre. Après tout, elle avait presque le même âge, ce qui en faisait une camarade de jeu privilégiée. À la fois rivales et amies, elles se tiraient vers le haut mutuellement.

Lorsqu’elles furent en âge de comprendre les règles de base de la magie, les choses devinrent alors plus intéressantes. Pour sa sœur, du moins. Il fut très vite évident que l’une avait un talent naturel tandis que l’autre se hissait à peine au-dessus de la moyenne, causant un contraste plus saisissant encore entre leurs aptitudes.
Cet écart ne manqua pas d’occasionner une admiration très marquée chez leurs parents, plongeant par conséquence la cadette dans l’ombre. La situation, bien que vexante, ne lui laissa pourtant pas de souvenir traumatisant puisqu’elle admirait, elle aussi, les prouesses qu’elle n’était pas capable de réaliser. De plus, Ayda contrebalançait ses fanfaronnades par un soutien moral constant envers sa sœur, l’incitant à pratiquer et à s’améliorer même lorsque les choses ne lui venaient qu’au prix de grands efforts. Une compétition tacite s’installa dès cette époque dans le foyer et le quotidien fut émaillé de tentatives arcaniques plus ou moins fructueuses qui mirent à mal le mobilier ainsi que la vaisselle.

Ce fut durant ces années à la lisière de l’adolescence que Lorelei se tourna vers la divination. Bien incapable de rivaliser sur le terrain de l’enchantement, elle se montra plutôt curieuse de l’éveil spirituel que demande la lecture de l’avenir. Dotée d’un bon instinct et bien décidée à recueillir les louages de ses parents, elle se plongea rapidement dans des lectures complexes sur le sujet.
Il était difficile de briller face au talent éblouissant d’Ayda, pourtant l’entêtement de la cadette la conduisit à dépasser allègrement le niveau de ses pairs dans la pratique de la magie. Une fois faite son entrée au service militaire, elle put ainsi constater que certains avaient de plus grandes lacunes encore qu’elle, ce qui adoucit un peu sa frustration.

Ce fut également à cette époque qu’elle perdit de vue son aînée, appelée à un plus grand destin. Une situation qui, si elle la désarçonna dans un premier temps, lui offrit aussi une opportunité de se construire sans se comparer en permanence à quelqu’un. Lorelei se fit de nouveaux amis au sein de son régiment de jeunes recrues, prit conscience de la valeur de ses efforts et affirma définitivement son souhait de poursuivre l’étude de la magie. Une pratique plus assidue et encouragée par ses professeurs la conduisit à découvrir la notion de dépendance et d’enivrement car, loin d’être aussi médiocre qu’elle le pensait, chacune de ses réussites lui donnait envie de plus.

La fin de son service signa également l’arrivée d’un grand bouleversement dans son existence : en reconnaissance du talent inédit de son aînée, toute sa famille fut hissée au rang de petite noblesse, se voyant octroyer des terres et une demeure à Ivamel. Un privilège rare dont elle s’enorgueillit et qui lui permit ainsi de payer sans mal son entrée à l’Académie d’Arilla. Elle ne pouvait pas se comparer aux héritiers de grandes familles, mais la fierté d’être la sœur cadette de la plus jeune archimage de l’Histoire pouvait se lire sur son visage. Un nouvel objectif s’ajouta à sa liste : apporter sa part de gloire à sa famille pour que leur nom soit gravé plus profondément encore dans les annales.

Depuis ce jour, Lorelei suit avec assiduité son parcours académique, partageant son temps entre la capitale et la nouvelle demeure familiale. La jeune elfe se montre brillante, à défaut d’être vraiment exceptionnelle, et vient d’entrer dans son second cycle d’études. Elle met au service de ses ambitions sa nouvelle passion pour la découverte d’artefacts anciens et oubliés, espérant mettre un jour la main sur quelque chose qui puisse la propulser vers de nouveaux sommets. Car depuis quelques mois, ses visions se font plus claires, et il lui tarde de repousser de nouveau ses propres limites.