Jax garde de son enfance les stigmates de la malnutrition et des mauvais traitements: il ne semble pas capable de grossir et ses bras, ses cuisses, son torse et son dos sont couverts de cicatrices plus ou moins vieilles, qu'il dissimule sous des tatouages militaires et guerriers.

Plutôt frêle d'apparence, ses adversaires réalisent vite leur erreur dès lors qu'il commence à frapper et à se battre. Sa force est surprenante, sa vitesse et sa souplesse encore plus.

Une masse de cheveux qui semble impossible à discipliner trône sur sa tête et sa tenue est souvent débraillée. Ayant grandi comme un miséreux, il n'a jamais compris l'intérêt de claquer du fric dans de beaux vêtements, De bonnes bottes, une rapière solide, un manteau chaud pour l'hiver bien sûr. Mais des trucs qui brillent ? De la dentelle ? Pouah, un beau gâchis !

Derrière ses airs de rustres mal dégrossi qui a bien du mal à lire et écrire, Jax a des yeux bleus profonds et intelligents. Ses traits plutôt agréables le rendent plutôt populaires auprès de la gente féminine mais également auprès de ses hommes qu'il convainc de risquer leur vie avec une facilité déconcertante.

Fier, impulsif et colérique sont généralement les premiers mots qui viennent à l'esprit pour décrire Jax.

Mais également drôle, attentionné avec ses amis et généreux. Toujours prompt à risquer sa vie, Jax ne se soucie guère du lendemain, chaque jour peut être le dernier et il compte bien profiter de chaque seconde, contrairement à ses parents qui se sont crevés à la tâche pour finir mutilés et miséreux.

Ce que Jax n'a pas appris sur les bancs de l'école, il l'a appris à la dure dans l'usine, en regardant les chefs d'équipe haranguer leurs équipes, les soutenir et leur coller un coup de pied au cul quand il faut. Mais aussi en assistant en premier plan aux plus minables comportement consistant à rabaisser son voisin, se battre pour des miettes et dénoncer les erreurs de ses collègues pour piquer sa place...

Il sait décrypter le langage corporel de ses interlocuteurs. Contrairement aux jolis mots - il sait à quel point un mot ne coûte rien, il en use à la pelle ! - le corps ne ment pas. Une main tremblante, un regard fuyant, des épaules qui s'affaissent, un pied qui trépigne... cela en révèle plus long que le flot de syllabes sans queue ni tête que la plupart des gens passent leur vie à débiter.

Ayant peu d'estime pour sa vie, Jax en accorde encore moins pour celle des autres. Il ne tue pas pour le plaisir mais parce que c'est son métier, parce qu'on le menace ou simplement parce c'est amusant... vous voyez qu'il faut se méfier des mots ? On en arrive à se contredire en une seule phrase !

La vie est dure. La vie est une chienne. C'est une raison pour bouder son plaisir ?

La pièce était petite, mal éclairée et l'air tout aussi rance qu'à l'extérieur, chargé d'odeurs de souffre et de métaux brûlés qui camouflaient celles de la sueur et la saleté accumulés. Les yeux de Jax balayèrent l'espace, passant en revue le mobilier sale, la paillasse roulée dans un coin et sur laquelle les enfants dormaient probablement, la vaisselle ébréchée et crasseuse qui s'entassait dans un baquet. Les murs suintaient d'une mélasse verdâtre dont Jax préférait ignorer l'origine.

Il imaginait sans mal les scènes qui devaient se jouer ici, le soir venu, quand la petite famille trop nombreuse se réunissait autour du repas, attendant de pouvoir profiter des restes que la mère et le père voudraient bien laisser à leurs enfants. Les vengeances mesquines des plus grands, la nuit tombée, si jamais les plus petits n'avaient pas laissé leur part aux plus grands. Les humiliations et les coups pour les soirs où le père rentrait ivre. La ceinture servant aux châtiments n'avait même pas été rangé, exhibée en évidence, suspendue à un cou, comme un rappel du cruel pouvoir qu'exerçait le patriarche sur sa famille. Sûrement le seul pouvoir qu'il exerçait tout court dans sa misérable vie. Même en son absence, sa femme - la sœur de Jax - n'osait s'assoir sur la seule chaise de la pièce.

Il imaginait cela sans peine pour avoir grandi dans une pièce identique, endurant peu ou prou les mêmes sévices.

Les souvenirs des coups, des humiliations, de la faim permanente lui revinrent. Un vécu qui lui avait servi sur le front où les conditions de vie lui avaient semblé presque meilleurs qu'à Chimera Salem. Aux trois années obligatoires, il en avait rajouté trois autres avant de servir dans diverses milices à travers le pays pour financer son voyage retour

Ses yeux se reposèrent enfin sur Fran, sa grande sœur qui semblait toujours hésiter entre éclater en sanglot ou laisser libre cours à sa fureur.

- Si t'es juste venu pour frimer, fallait pas mon con !

Sa provocation tomba à l'eau face au haussement de sourcil de Jax qui se mit à rire.

- Frimer ? Non, je voulais régler mes comptes avec Bux. Mais cet enfoiré a trouvé le moyen de se faire suriner avant mon retour.

- Et ouai ! Zigouillé le grand frère. Kox écrabouillé à la mine. Nix est mort de la pisse-rouge et Van en mettant au monde son 3ème chiard. Y'a plus que toi et moi de la famille.

- La famille ?

Jax haussa un sourcil.

- Ca n'a rien d'une famille ce qu'on a connu ici. Et tu n'es pas une mère de famille ici, avec ton soulard de mari.

Une famille ça se sert les coudes, ça s'entraide, ça se soutient.

Ca ne se frappe pas, se viole pas, s'humilie pas. On oblige pas son petit frère à combattre à mort d'autres gosses pour ramener quelques pièces...

Le bretteur vit la haine passée dans le regard de sa sœur avant qu'elle ne lève la main pour le frapper. Il la bloqua d'une parade paresseuse, tordit son bras et l'envoya cogner contre le mur de brique sale. Par sa réaction, elle confirmait qu'elle reproduisait ce qu'il avait subi. Il ne savait pas trop ce qu'il espérait en venant ici. Se venger ? les sauver ? leur pardonner ? Les humilier ?

Fran ricanna. Son rire frénétique était typique des accro au souffre-feu, une drogue locale faite avec les rebuts des produits utilisés dans les forges de Chimera Salem. Le souffre-feu rendait accro dès la première prise. Tout le monde savait comment finissaient les toxicos mais il suffisait d'une journée plus dure que les autres, le drame de trop, l'engueulade de trop et la faiblesse de vouloir s'évader quelques instants de cet enfer pour plonger dans les abîmes. Quand ce n'était pas directement des vauriens, un mari jaloux ou un rival au travail qui vous forçait à en prendre la première fois. Et dès lors la spirale infernale de la dépendance s'enclenchait, les pires ignominies succédant aux petits larcins dans la quête sans fin pour plus de souffre-feu...

- Et bien, Môssieur n'est pas en reste côté violence ! Tu t'prends pour qui, Gil l'Etincelant ? t'as encore la queue qui durcit en pensant à ton héros ?

- Ouai... plus qu'en voyant ta gueule ravagée en tout cas...

Jax fut interrompu par la porte qui s'ouvrit en claquant.

- Et bien la grognasse, qu'est-ce...

L'homme d'armes qui entra - le mari de Fran manifestement - suspendit sa phrase en apercevant Jax. Son regard passa de sa femme au drôle de type dont il avisa rapidement l'arme.

- Tu dois être l'heureux élu de ma sœur... je partais justement, je vous souhaite tout le bonheur du monde à ta "grognasse" et toi ...

Il planta là le couple. Fran vociférait et son mari s'apprêtait à la cogner - sans trop savoir pourquoi, sans doute par habitude - quand elle lui souffla l'idée de dépouiller son frère. L'homme hésita puis se précipita dehors, l'épée à la main.

- EYH attends toi !

Jax s'arrêta dans la rue. les yeux commencèrent à se tourner vers eux. D'autres types en uniforme, sûrement des collègue de son beau-frère, s'approchèrent. Du public, tout ce qu'il aimait.

- Oui ?

Jax commença à s'étirer, sachant comment cela allait finir. Son beau-frère évoqua en vrac des dettes, la contribution morale qu'un frère devait à sa sœur pour l'avoir élevé et qu'il avait l'air de bien vivre avec ses vêtements neufs. Un petit groupe s'était formé autour d'eux, dessinant un cercle vers lequel les deux adversaires étaient irrémédiablement attiré.

- Donc en gros, je devrais des sous parce qu'elle me battait quand j'étais môme et que ta paie minable de lèche-cul des Barbefeu ne suffit pas pour lui payer son souffre-feu ET ta picole de soiffard ? Okay...

Jax sourit et fit mine de fouiller dans ses poches. Surpris que ce soit si facile, le beau-frère relâcha sa posture.

- Ah, voilà !

Jax sortit de sa poche... un doigt d'honneur. La foule s'esclaffa autour d'eux, ajoutant la fierté et la colère à l'avarice comme raison de se battre pour lui.

- Je vais t'étriper espèce d'insolent.

Jax s'inclina bien bas.

- Je suis ton obligé, j'ai besoin d'exercice. Allez, attaque !

L'homme d'arme hésita. Jax n'avait pas sorti son arme et il y avait beaucoup de témoins.

- Sors ton arme !

- J'en aurai pas besoin pour toi mon lolo.... de toute façon, qui t'en voudra de me tuer ?

L'homme cria et passa enfin à l'attaque. Jax se recula, esquivant des coups maladroits. Il avait de bonnes bases mais passer son temps à tabasser des ouvriers récalcitrants, ce n'était pas le meilleur moyen de garder ses sens affûtés. Jax joua avec lui, le faisant courir, s'épuiser. Il se soustrayait à ses attaques au dernier moment, pivotant et virevoltant, multipliant les saillies graveleuses et insultes gratuites qui faisaient s'esclaffer la foule et bouillir un peu plus le milicien. Dans la foule toujours plus nombreuse, le bretteur perçut un "Mais ! C'est Jax l'Ecarlate !". Ainsi, il n'était pas complètement oublié ? Il entendit le cliquetis caractéristique des paris qui s'engageaient.

Jax adressa une révérence en direction de son "public" puis se redressa. Son visage s'était fermé. Il était temps de mettre fin à la mascarade.

A l'attaque suivante, Jax se porta à la rencontre de son beau-frère, pivotant au dernier moment pour le faire frapper dans le vide, il le prit au poignet et lui tordit le bras, le faisant s'empaler sur sa propre épée. L'autre le regardait avec un regard d'ahuri.

- Vis par l'épée, meurs par l'épée... vis comme un con, meurs comme un con...

Jax s'assura qu'il s'écroulait à terre avant de saluer la foule.

- Un bien triste accident, n'est-ce pas ?

Il lança un regard en direction des deux autres miliciens... qui préférèrent regarder leurs chaussures. S'ils avaient été plus nombreux, ils auraient peut être tenté de l'arrêter... Sans pleurer son mari refroidi, Fran avait assisté à la scène et hurlait sa rage contre Jax.

Ce dernier la salua une dernière fois d'une parodie de révérence puis s'éclipsa dans la foule, se jurant de ne jamais remettre les pieds dans ce cloaque et cette foutue ville...