Petite et fluette. Ce sont deux mots simples que l’on pourrait utiliser pour décrire la physionomie d’Astrésia. Trop simples, peut-être. En effet, si la jeune femme ne possède pas une taille qui lui permettrait de toucher le ciel du bout des doigts, elle lui permet néanmoins de passer aisément inaperçu et de pouvoir se faufiler sans trop de difficulté un peu partout où elle le souhaite, presque dans le moindre interstice.

Son corps souple est tout bonnement élancé et athlétique, taillé autant pour la course rapide que pour l’escalade ou les acrobaties en tout genre, elle n’a rien de la combattante au corps à corps et, de toute façon, ce n’est en rien la guerre qui déchaîne autant ses passion que ses intérêts.

Si la juvénile arkheynosienne ne prend aucunement soin de son apparence, elle ne paraît pas négligée pour autant. Elle a la chance de posséder un visage en cœur sur lesquelles sont piquetées quelques éphélides, parant malicieusement ses pommettes d’étoiles sombres, soulignant deux grands yeux en amande dont le chaleureux chocolat des iris semble pétiller en permanence. Un petit nez mutin retroussé surplombant une bouche gourmande aux lèvres ourlées parachèvent le tout, conférant à l’étudiante un joyeux air de crapule.

La première chose que l’on pourra entendre d’Astrésia, c’est un éclat de rire. Un éclat de rire roulant à torrent dans sa gorge pour se déverser en une cascade tonitruante par ses lèvres pleines, se répercutant dans un vibrant écho contre les murs des couloirs de Pandora. Ce que l’on peut dire d’elle, c’est qu’elle est une personne joyeuse et optimiste, bruyante aussi. Du moins, pas en toute circonstance. Seulement lorsqu’elle le veut bien, et il arrive qu’elle le veuille souvent. Elle est aussi quelqu’un d’impulsif et de spontané, peut-être un peu trop. Ce qui a tendance à la pousser à la témérité et donc à braver le danger sans calculer les risques qu’elle pourrait encourir particulièrement lorsque ceci concerne l’un de ses amis. Sa loyauté à toute épreuve et son besoin de protéger les autres pouvant parfois prendre le dessus sur son bon sens et lui faire sortir aussi bien les griffes que les crocs.

Malgré tout ça, l’orpheline n’en reste pas moins une bonne travailleuse, assoiffée de connaissance. Sa curiosité l’oblige en toute circonstance à obtenir le savoir qu’elle tient tant à acquérir, autant dans les livres de la bibliothèque de l’académie que dans la vie de tous les jours, et ce, sur n’importe quel sujet. Et si pour cela, elle doit braver les interdits - mais aussi l’intimité - de certains, elle le fera sans hésiter ne serait-ce qu’un potentiel quart de seconde. Et cela lui a probablement valu quelques ennuis.

Mortuary - 16 Juin 287

Tenant ce qui pourrait s’apparenter à une poupée de chiffon dans une main, bien serrée contre sa poitrine et un petit sac en toile empli de vêtements, la jeune Astrésia, du haut de ses cinq ans, suivait tête basse, sans broncher, l’Inquisitrice qui la menait à l’endroit où elle devrait bientôt passer les onzes prochaines années de sa vie : Le Grand Orphelinat de Mortuary.

Comme nombre d’enfants avant elle, la fillette avait perdu ses deux parents lors d’un effort de guerre contre Luhorn, la laissant désormais seule membre de la Famille Khazar. Elle aurait, bien sûr, pu aller vivre dans la famille de sa tante, grande soeur de sa mère, si celle-ci n’avait pas refuser en arguant qu’elle avait déjà bien trop de bouches à nourrir pour se voir encombrer d’une autre, un air de profond dégoût marqué sur son visage. Mais sa tante n’avait, semble-t-il, jamais apprécié que sa jeune soeur épouse Lanndari Khazar, Aesthès de son état, qui passait bien plus de temps à pousser la chansonnette en gratouillant son luth entre deux batailles plutôt qu’à faire quelque chose de profitable pour la famille. La vérité était, en réalité, bien différente. Crésilda, la tante d’Astrésia, avait savamment été rejeté par Lanndari en faveur de sa jeune soeur, Lucinda, est celle-ci n’avait pas du tout apprécié de s’être fait éconduire de la sorte, encore moins pour celle qu’elle détestait le plus au monde, pour rien d’autre que sa chaleureuse et généreuse personnalité. Et bien sûr, c’était la petite Astrésia, désormais orpheline, qui en pâtissait.

La fillette s’arrêta au côté de la grande femme toute de noir vêtue qui l’amenait à son nouveau domicile, relevant son petit nez rond vers cette dernière, un torrent de larmes menaçant de rompre la fine barrière de ses paupières inférieures pour dévaler et inonder ses joues rondes. L’Inquisitrice ouvrit grand la porte de la bâtisse et lui fit signe de se hâter d’entrer à l’intérieur avant de claquer la porte dans son dos.


Mortuary - 27 Septembre 291

Âgée de neuf ans, la fillette a pris son essor. Si elle n’avait jamais eu de frère ou de sœur auparavant, elle en avait désormais une tripotée, et de tous les âges. Bien sûr, il y en avait certains qu’elle détestait et d’autres qu’elle aimait. Mais aucun n’arrivait à la cheville d’Ischor. Ischor, en plus d’être son grand frère préféré, s’avérait être aussi son meilleur ami. Ils faisaient les quatre cents coups ensemble et ça avait tendance à fortement déplaire aux Inquisitrices qui géraient l’Orphelinat.

C’était d’ailleurs une de ses journées. Une de ses journées où le fameux duo n’en faisait qu’à leur tête et partaient vadrouiller loin des abords de leur lieu de vie, lieu qu’ils n’avaient pas choisis. La brillante idée du jour était d’aller se promener à la lisière de la Forêt des Soeurs. A celui qui ira le plus loin. Une sorte d’Épreuve de Bravoure que les deux garnements s’empressaient souvent de défier, allant plus loin, toujours plus loin entre les arbres de la sombre forêt. Arbres qui paraissaient de plus en plus menaçant de seconde en seconde.

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Seule. Elle était revenue seule. Couverte de sang et de boue. D’un sang qui n’était pas le sien. Épais et rouge. Qui la maculait de la tête aux pieds, qui gouttait sur le sol dans un bruit macabre. Et son visage. Figé dans la plus pure des terreurs. Les larmes se déversaient sans discontinuer sur ses joues tremblotantes, les débarrassant du sang encore frais et de la boue qui s’y était mêlée. Ses pupilles vagabondes vrillaient en tous sens, comme cherchant le faciès rieur et frondeur familier. Minois mutin qu’elle ne reverrait plus jamais.

Bien qu’une poignée d’Inquisitrices soient allées voir dans la Forêt, personne ne retrouvât de le petit corps présumé sans vie d’Ischor. Personne ne sût ce qu’il s‘était passé. Et personne n’en saura jamais rien.

Astrésia était devenue, sous l’horreur de ce à quoi elle avait assisté, muette.


Mais après ?


La jeune fille, presque comme tous les jeunes Arkheynosiens, fit son entrée à Pandora pour les quatre années à venir avant de faire son service militaire obligatoire. Et en jeune fille travailleuse et curieuse, elle engrangea les plus de connaissances possibles avec un plaisir évident, bien que, comme tout le monde, certaines matières l’intéressaient plus que d’autres ; dont une poignée, beaucoup moins. Elle savait déjà qu’elle avait un quelconque talent pour manipuler les Ombres mais son arrivée à l’Académie lui permit d’en savoir plus à ce sujet, lui permettant d’approfondir le semblant de contrôle qu’elle pouvait avoir sur elles, mais surtout, à pouvoir s’en servir pour se dissimuler à l’abri des regards ; ce qui lui permit de braver quelques interdits posés par le règlement de l’école, et pour lesquels elle écopa de punition diverses et variées lorsqu’elle se faisait attraper.

De par son inétanchable soif d’apprendre, Astrésia passait un temps incommensurable à la bibliothèque. Souvent assise entre deux rayons, un épais livre dans une main et de quoi écrire dans l’autre ; l’on pouvait aussi la retrouver à poser tout un tas de questions étranges, tenant un carnet recouvert d’une écriture ronde et de dessins dans sa dextre, courant gaiement derrière l’Illustre Historien des Hommes : Waldemar Incostus.

Cela dura quatre ans avant qu’elle ne doive elle-même rejoindre les front pour les quelques années à venir, comme tout bon citoyen d’Arkheynos. Quatre ans où, étonnamment, elle s’ennuya. Elle s’était retrouvée dans les renseignements et pourtant, bien qu’elle adorait fourrer son nez un peu partout, dans les affaires des autres ou dans leur coffre, cette fois-ci, ça ne l’intéressait pas le moins du monde. Pour quelle raison ? Parce qu’elle ne se sentait pas concernée par tout ça ? Pourtant, elle avait été élevée et éduquée dans cet objectif, alors pourquoi ? Qu’est-ce qui avait bien pu changer depuis sa sortie du Grand Orphelinat de Mortuary ? L’adolescente à la peau cuivrée se remémora ses dernières années à vagabonder dans les rayons de la Bibliothèque de Pandora, à lire encore et encore les mêmes livres, à effectuer des recherches pour tel ou tel cours, mais surtout à courir partout en quête d’information et partir en exploration. Étudier et découvrir, encore et encore. Avec des yeux d’enfants émerveillés devant la magnificence des créations de la nature.

Elle savait désormais ce qu’elle voulait faire de sa vie. Elle voulait devenir exploratrice, archéologue, historienne. Elle voulait travailler avec lui. Et peut-être qu’un jour, c’est sa place qu’elle prendrait. A lui. Waldemar Incostus.