Vous venez d’entrer dans une taverne pas très bien renommée du Bastion Limaille. Le genre de gargotes où se retrouvent les mineurs fourbus d’une longue journée de travail, les forgerons avec leurs barbes à la pointe cramée par le feu, ainsi que les explorateurs prêts à vendre leurs services pour un bon prix. Parmi ceux-là, vous ne la voyez sans doute pas directement, car elle n’est pas du genre à se mettre en avant. Peut-être que le manque de place ou l’agressivité de certains Nains vous ont poussés à vous installer en face de cette petite femme emmitouflée dans une large cape.

Comme tous les représentants de sa race, la Naine n’est pas bien grande. Un mètre ? Peut-être un peu plus, pour être gentil. Son visage est dur, plutôt fermé et renfrogné, mais sans méchanceté ou agressivité. Juste une Naine pas commode à appréhender. En la regardant de plus près, vous pouvez constater qu’elle semble avoir certains moyens économiques, et le goût des belles étoffes et des belles fourrures. Ce n’est pas n’importe quoi qu’elle porte sur le dos, et ses bagues sont ornées de pierreries noir et mauve. Le noir, certainement pour signifier son appartenance héréditaire aux mines, et le violet pour prouver qu’elle a déjà connu quelques beaux voyages pour se permettre ce genre de petits détails exotiques.  

- Vous voulez mon portrait ?

Sa voix caverneuse et grave vous surprend. Presque une voix d’homme, et avec cet accent tonique au “r” si fortement roulé dans la bouche. Son regard, foncé comme les onyx qu’elle porte à ses doigts, vous scrute, jauge, analyse avec de l’amusement. Oui, c’est surprenant de voir cet air soudainement espiègle sur son visage, et pourtant, elle semble désormais un peu plus joviale, moins revêche et acariâtre que vous le pensiez lorsque vous vous êtes installée en face d’elle. Le fait de vous avoir légèrement déstabilisé a dû lui plaire, très certainement.

- Je m’appelle Nymvaradoun, et vous-même ? On n’en voit pas beaucoup des comme vous par ici ! Serveur, une chope par ici, il se fait bien soif !

Le feu de la cheminée brûle derrière elle à grandes flammes. L’air se réchauffe et la Naine retire sa capuche dans un grand mouvement peu gracieux. Ses cheveux bruns sont ramassés dans un grand et majestueux chignon tressé au sommet de son crâne. Vu la quantité de cheveux, vous pouvez aisément imaginer la longueur totale de la chevelure une fois détachée. Long, très long. Ses yeux sont foncés, et ses sourcils peu broussailleux si on la compare à ses cousines Naines. Son goût pour les bijoux est définitivement visible, ses oreilles sont percées à plusieurs endroits. Des boucles d’oreilles en nacre, encore un produit exotique, et des chaînettes en métal reliant le haut au bas de l’oreille. Un peu plus bas, au creux de son cou, un tatouage se profile, mais vous ne pouvez pas en comprendre la signification, une bonne partie étant encore cachée par le tissu de son vêtement. Enfin, vous n’avez plus le temps de regarder, vos chopines sont arrivées.

- Haaa, vous avez commandé de l’hydromel ? C’est bien trop sucré pour moi cette bêtise !

La petite bonne femme empoigne sa bière rouge et en boit plusieurs gorgées sans sourciller. Elle semble satisfaite de sa boisson puisqu’elle esquisse même une ébauche de sourire. La discussion se poursuit entre elle et vous, et si vous avez assez d’intelligence sociale, vous noterez quelques aspects intéressants de cette personnalité.

Pour commencer, Nymvaradoun est une excellente observatrice. Elle remarque rapidement la provenance des étoffes de vos vêtements, votre façon de parler ou simplement de vous tenir. Elle analyse tout avec une certaine finesse surprenante pour une Naine. Après quelques minutes, elle émet une hypothèse sur votre provenance, votre métier, et même sur le motif de votre visite au Bastion Limaille. Si tout n’est pas exactement correct, une bonne partie se rapproche de la réalité, et il apparaît évident que cette Naine est instruite et dotée d’une forte capacité d’analyse.

En revanche, après avoir mis au clair votre présence dans ce lieu, vous perdez l’attention de la petite brune. Ce n’est pas que vous ne l’intéressez plus, bien au contraire même, mais elle semble totalement perdue dans son flux de pensée. Comme déconnectée du reste de la taverne, dans son propre monde interne où elle semble réfléchir à toute allure. Le bruit tout autour, peut-être même les musiciens un peu plus loin, ne la sortent pas de cette déconnexion totale du reste du monde.

C’est en terminant son pichet qu’elle revient dans votre discussion comme si de rien n’était. Curieuse, la Naine vous pose beaucoup de questions, sans jamais être insistante ou indiscrète. Grâce à une certaine intuition, elle vous propose des idées pour votre séjour sur le Bastion. Des choses originales, qui sortent clairement de l’ordinaire, mais qui démontrent encore une fois que cette Naine là, ce n’est pas n’importe quelle Naine. La preuve, elle apprécie de partager ses connaissances avec vous sur les alentours de cette froide région. Néanmoins, vous constatez aussi rapidement qu’elle n’est pas du genre à être trop patiente ni à aimer se répéter. Si vous n’avez pas compris une de ses tournures de phrase, il est préférable de hocher la tête que de lui demander de répéter, sous peine de recevoir un soupir d’agacement en guise de réponse.

Ce n’est pas la seule chose qui semble l’irriter. La Naine se perd à nouveau dans le flux de ses pensées. Elle vous suggère de nouvelles choses, puis finalement non, la première option de visite était la meilleure. Mais en fait non. Ou bien si ? Sa quête de perfection à vous proposer l'itinéraire idéal déclenche chez elle un conflit intérieur. Avec tout ça, elle n’arrive pas vraiment à se décider de ce qui est le mieux et dans ce cas-là, elle préfère abandonner. C’est tout ou rien, avec cette Naine.

Heureusement, l’alcool aidant, elle retrouve une certaine sympathie. Sortie de cette petite colère intérieure, vous commencez à l’apprécier. Généreuse, elle vous paie même votre prochaine pinte, juste pour le plaisir de vous faire goûter la bière locale, produite au Bastion.

- Si je suis née ici ? Ah ça pour sûr, un pur produit du Bastion !

Vu qu’elle est plutôt sympathique et abordable, et l’alcool aidant, vous avez peut-être envie d’en savoir plus sur ce drôle de personnage ? En plus, elle semble plutôt bavarde en cette belle soirée tranquille. Alors, elle commence à vous détailler son enfance au Bastion Limaille. Fille d’un couple Nain peu traditionnel pour un tel endroit, puisque ni son père, ni sa mère, sont mineurs. Son père, Grohrorim, tenait un atelier de couture. Pas le genre à faire lui-même la couture, mais plutôt à négocier âprement les prix des tissus et les salaires des Elfes et des Nains qu’il employait. Sa mère, Leige, travaillait dans une boutique de gemmes. Joaillière de son état, c’est à elle que Nymvaradoun devait ses beaux bijoux qu’elle portait devant vous.

Gamine intelligente selon ses dires, elle apprenait vite fait bien fait tout ce qu’on voulait bien lui donner à lire. Ses parents voulurent vite l’inscrire dans un cours de magie d’enchantement, histoire qu’elle améliore les tenues vendues par le père, et les bijoux vendus par la mère. Malheureusement pour eux, elle n’avait aucun talent pour cette magie et peu d’envie de persévérer dans le domaine. Ce qui la passionnait, c’étaient les récits d’aventures, de découvertes, de géographie, parcourant les différentes terres et profondeurs du monde. Qu’est-ce qui se cachait loin dans les montagnes du Nord ? Sur la banquise ? Ou loin au sud, dans les archipels ? Tellement de questions, et que peu d’ouvrages pour y répondre avec suffisamment de détails au goût de la Naine trop curieuse.

C’est ainsi qu’elle délaissa vite l’enchantement pour s’intéresser dans un premier temps à la faune et à la flore locales. Les bêtes sauvages, mais aussi les arbres, les fleurs, elle avait de bons maîtres en herboristerie et en traque des animaux, même si elle était loin d’être devenue une experte dans ces domaines avec le temps. Dès son adolescence, elle sortait seule du Bastion, parcourant quelques kilomètres par jour à la recherche de nouveauté pour calmer son éternel curiosité.

Soudainement, la Naine vous fait signe de vous rapprocher. Elle a l'œil un peu brumeux, l’ivresse commence à l’attaquer, et vous vous doutez qu’elle va dire quelque chose de particulier.

- Vous devinerez jamais ce que j’ai apprivoisé comme bestiole, je n’avais même pas 20 ans… Un nosferatu !

Elle éclate d’un grand rire caverneux en tapant du poing sur la table. Pourtant, vous avez bien compris qu’il ne s’agit pas d’une blague. Cette petite bonne femme là, elle a bien réussi à s’allier avec cette vilaine créature de la nuit. Elle vous explique, le plus calmement du monde, qu’elle était restée un soir un peu trop longtemps après la tombée de l’obscurité. L'espèce de chauve-souris cherchait à manger, et avait envie de goûter à la Naine. Heureusement, en lui donnant quelques fruits et du pâté qu’elle avait sur elle, le Nosferatu s’était calmé. Depuis, elle venait lui donner à manger presque tous les jours et c’était son petit secret à elle que personne ne devait savoir. Enfin personne, sauf ceux à qui elle le racontait dans ses moments de soûleries.

- M’enfin, le plus intéressant, c’est que je suis maintenant une Marcheuse d’Abysse, comme on dit ! Si vous avez besoin d’un guide pour la montagne ou la toundra, je suis votre bonne femme !

Elle vous raconte que pendant près de cinq années, elle avait tout appris du métier de Marcheur d’Abysse auprès d’un vieux Nain expérimenté. C’était souvent dangereux et périlleux, et il ne fallait pas avoir peur de passer la nuit dans une grotte, une caverne ou même sous la grande couverture symbolique du ciel. Mais, si elle réussissait à ramener quelque chose de rare, de curieux, elle pouvait se faire un bon petit paquet d’argent, juste ce qui lui suffisait pour vivre lorsqu’elle était au Bastion. Parfois, elle s’aventurait dans le Nord, avec son fidèle Nosferatu qui la suivait tant qu’il le pouvait. Parfois, elle allait jusqu’à Chimera Salem, histoire de rencontrer d’autres Marcheurs et d’échanger sur leurs découvertes respectives.

- Ravie de vous avoir rencontrée en tout cas, c’était une bonne soirée bien sympathique !

La Naine prend congé en payant son dû, partant dormir pour cuver sa bière. Ce qu’elle ne vous dit pas, et qui est vraiment secret pour elle, c’est que l’exploratrice des abysses a fait une découverte inhabituelle il y a quelques mois. Une caverne dans les entrailles des montagnes glacées. Un livre, des glyphes au sol et aux murs, des objets dont elle ne comprend pas réellement l'usage. Le bouquin était écrit par un ancien marcheur, qui tentait de faire appel à une entité démoniaque, un Diable des glaces. Grâce aux connaissances ancestrales portées dans l’ouvrage, elle avait appris à manier des sorts magiques de démonologie. Ainsi qu’un masque magique, qu’elle garde précieusement dans son sac, à l’abri des regards indiscrets.