Un corps svelte et gracieux. Un visage fin et plaisant. Une chevelure longue, dont le noir de jais épouse à merveille une peau blanche comme neige. Des yeux vifs, perçant votre âme d’un regard. Une voix mélodieuse, calme, posée. De l’avis du commun Corvus possède un physique des plus avantageux. Un être qui n’a rien à envier aux statues de marbre sculptées par les maîtres humanistes de Milagre. Et pourtant, ce corps si plaisant à l'œil est pour le noble une plaie infâme, un handicap qu’il doit toujours surmonter. Car Corvus est un Reis et, au sein des hommes de cette noble maison, sa petite stature est la proie de toutes les remarques et moqueries. “Difforme”, “Malade”, “Sang impur”, tels étaient les sobriquets que sa famille lui associait volontiers. L’enfant écoeuré par son propre reflet su toutefois comprendre que cette faiblesse pourrait être une force durant son adolescence pour devenir l’homme qu’il est désormais.

Ce corps svelte, gracieux, a été entraîné comme tout bon citoyen de l’Empire aux arts de la guerre. Loin de pouvoir égaler les prouesses physiques du reste des Reis, Corvus misa sur sa vivacité et son intelligence pour dominer ses adversaires. S’il ne peut terrasser ses ennemis en un coup, comme son célèbre grand-père, alors il le fera en cent, dans une danse macabre et élégante. S’il ne peut recevoir de front l'assaut sauvage de ses adversaires, alors il esquivera chaque attaque qui lui porte. En somme, il a su trouver sa voie malgré tout et prouver sa valeur en tant que Reis, au grand dam de certains. Mais à ses frères et autres cousins Corvus n’eut toujours qu’une seule réponse : le duel. Et le fait qu’il continue de fouler du pied cette terre prouve bien que malgré son physique, il reste un combattant hors pair. Mais ce n’est pourtant pas sur le champ de bataille que l’on risque de croiser le “dixième”.

Officiant dans les sphères politiques et plus civiles de l’Empire, c’est en effet dans ce cadre plus posé que Corvus évolue. Dans un milieu où le paraître est de mise, sa beauté naturelle est un avantage non-négligeable. Son joli minois lui a valu de nombreuses faveurs, tant auprès de la gente féminine que de ses congénères masculins. Combien d’entre eux sont-ils tombés en proie au doute et à la confusion face à ses traits quasi-androgyne et cette longue crinière qui n’a rien à envier aux femmes les plus apprêtées de la capitale ? Difficile de croire que le jeune homme n’est pas conscient de cela, pourtant, il ne semble pas particulièrement user de ses charmes. Son visage si doux reste froid, impassible. Un véritable masque de marbre ne trahissant pas la moindre émotion, implacable qu’importe la situation.

Il existe toutefois une lueur dans ce blizzard d’indifférence. Ses yeux. Un regard brun si ardent qu'il semble orangé. Deux brasiers qui trahissent toute l’énergie, la conviction et la détermination contenues dans ce corps semblant si fragile. Un regard supérieur, fier peut-être, qui épie ce qui se trouve face à lui. Un regard qui semble pouvoir vous comprendre, pas de façon chaude et empathique, mais à la façon détachée d’un mathématicien face à une équation. Il scrute, observe, détermine sans fléchir, sans se détourner. Une intensité qui peut être provocatrice, tant elle n’est soumise à aucune crainte ou gêne. La marque de son appartenance à la maison Reis et au sang implacable qui coule dans ses veines.

Et pour peu que l’on doute sincèrement de sa filiation, quelques paroles suffisent à prouver sa place au sein de la famille des loups. Corvus est une personne concise dans sa parole, sa voix calme et maîtrisée est comme une lame affûtée. Elle peut servir à disséquer les propos de ses adversaires politiques. Fendre la volonté de ses ennemis sur le champ de bataille. Ou bien encore trancher la crainte et la peur dans le cœur de ses hommes. Car là où son corps a été formé au maniement de l’épée, son esprit lui fut rompu aux arts de la rhétorique. Son arme de prédilection au sein de la capitale et son outil principal dans la lutte éternelle pour le bien de l’Empire.

Là où de nombreux détracteurs attaquent le préfet d’Arkheynos pour mettre en doute sa filiation avec le légendaire Bouclier de l’Empire, force est de constater que sa personnalité, à elle seule, parvient le plus souvent à faire taire ces allégations. Droit, juste et doté d’une volonté implacable, Corvus incarne avec brio les valeurs de sa maison. Un véritable esprit d’adamantine, forgé par les durs feux de l’éducation arkheynosienne. Certains peuvent le trouver parfois trop prudent, préférant la patience à l’empressement, la tactique aux coups d'éclats valeureux. D’autres le trouvent trop froid, détaché du monde et de ses réalités, un automate sans émotions ou empathie, qui n’affectionne rien d’autre que son devoir. Son devoir envers la cité, son devoir envers sa famille, son devoir envers l’Empire.

Des remarques qui ne sont pas infondées. En effet, malgré ses beaux discours et les valeurs qu’il suit, Corvus reste totalement incapable de comprendre sincèrement les autres. Son esprit est une machine calme, posée, logique, incapable d’appréhender sincèrement l’irrationalité des êtres vivants, l’impulsivité de leurs émotions et le chaos qu’ils engendrent nécessairement. Il vit dans un monde de lois et de règles duquel il a bien du mal à sortir. Les normes sociales sont acquises, bien sûr, mais pour lui ce ne sont que des séquences de gestes, d’actes, de paroles, rien de plus. Camaraderie, amour, passion, ce sont là des notions dont il comprend les enjeux, les définitions, mais qu’il n’a jamais véritablement ressenti.

Il est un pragmatique né, pour qui la fin justifie les moyens tant qu’elles restent dans le cadre des lois de l’Empire. Il est bien évidemment conscient, surtout dans son emploi, qu’en détournant ou outrepassant les règles, il arriverait probablement à de meilleurs résultats. Il n’a pas de mal à imaginer quelques machinations et autres coups tordus pouvant servir ses desseins, toutefois, il estime que céder à la facilité est bas. En tant que préfet, Reis et citoyen de l’Empire, il se doit de respecter les règles, dominer ses opposants et outrepasser les obstacles malgré ces contraintes. À ses yeux, défaire les complots d’autrui sans prendre de raccourcis et faillir à son code de conduite est une preuve parfaite de sa supériorité envers ceux assez sots pour tenter de l’atteindre.

La fierté. L'hubris. Une autre marque du jeune Reis. Il ne cache pas sa fierté d’être membre de la noble maison Reis. D’être un citoyen du glorieux Empire d'Arkheynos et un serviteur dévoué de cette nation. Sa filiation, son éducation et son intellect sont pour Corvus les seuls atours dont il a besoin pour imposer le respect à autrui. Les impertinents et insolents attisent bien entendu son courroux. Toutefois, en tant qu’être civilisé, il se gardera d’afficher sa froide colère. Il préférera user de sa verve pour recadrer ceux incapables de suivre les bonnes mœurs. L’art du dialogue, de la rhétorique, lui est cher après tout. Une façon de faire noble à ses yeux, bien plus que la violence pourtant si importante dans les valeurs arkheynosiennes.

Car malgré son apparent respect pour les coutumes de l’Empire, la vision des choses qu'à Corvus reste singulière, pour ne pas dire hérétique. En effet, il est par exemple un athé ou du moins n’adhère pas au discours du culte impérial. Il ne le crie pas sur tous les toits bien sûr, tant le culte de l’Empereur est partie prenante dans la vie de l’Empire. Mais il sait que son interprétation des textes est loin de faire l'unanimité. Pour le jeune homme, tout le monde est capable de faire germer la graine du divin et chacun doit sincèrement inspirer à atteindre ce statut. Or, vénérer autrui impose à l’être de se voir comme inférieur, suppléant à cette force extérieure, comment de fait prétendre à transcender sa condition de mortel si l’on ne se défait pas des chaînes de la servitude et de l’adoration. Pour véritablement atteindre son plein potentiel, l’un doit s’adorer lui-même et non autrui. Un fait oublié par un clergé fanatique, bien trop puissant et imposant sa loi sur toute une nation. Un groupe d’illuminés illogiques qui ne font qu’affaiblir Arkheynos avec leurs croyances et idolâtrie. Un fait peut-être même oublié de l’Empereur lui-même ? Un dieu est censément infaillible, comment expliquer ainsi la défaite de ce dieu face au vil chef des elfes ?

Corvus a de nombreuses ambitions. Prouver être le digne héritier de Wolf Reis, son grand-père. Assurer que la capitale soit un lieu de calme, prospère et sécurisé pour chaque citoyen de l’Empire. Défaire les ennemis d’Arkheynos, tous. Les vieux et connus comme Luhorn. Les plus insidieux comme les dissidents du Chien. Les autres jeunes loups trop ambitieux et allants à l’encontre des intérêts de la nation comme bon nombre de nobles. Les fanatiques gangrénant les hautes instances du pouvoir. Et qui sait, peut-être l’Empereur lui-même dont l’absence et la défaite sont des plaies enlaidissant la grandeur de toute la nation, cachées seulement par l’odieux vernis de la ferveur. Des objectifs grands, probablement inatteignables, mais qu'il se doit de remplir. Car tel est son devoir.

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