Eliven Ervaris est une elfe de taille moyenne mais d’allure athlétique. Elle a terminé son cursus à l’Académie Militaire, ce qui prouve que son corps est celui d’un soldat et non d’une délicate aristocrate. En plus d’être robuste, cette jeune elfe est agile. Elle a appris à escalader les mâts pour ferler les voiles et ses capitaines ont toujours souligné qu’elle avait le pied sûr malgré la forte houle.

Cette jeune elfe est reconnaissable à sa longue chevelure blond-cuivré qu’elle peut porter libre jusqu’à la taille ou la nouer en tresse. Elle possède de longues oreilles effilées, sans ornements. D’ailleurs elle n’est pas coquette : elle ne porte pas de bijoux ou de vêtements colorés. Avant de quitter la Marine Royale, elle ne sortait qu’en uniforme même ses jours de repos. Aujourd’hui elle a adopté un haut en cuir plutôt moulant qui recouvre une chemise de drap vert ; son pantalon est de cette étoffe et ses bottes sont assorties à son haut. Un sabre d’abordage et une dague viennent ostensiblement compléter sa garde-robe, rappelant que la belle est dangereuse.

Eliven Ervaris possède le pas léger des marins et des reîtres.  Elle a la réputation d’être efficace au corps à corps et a remporté plusieurs concours de lancers de dague dans les tavernes des quais. Elle sait se faire discrète et n’est pas particulièrement bavarde. Mais quand elle prend la parole elle est généralement écoutée, son aura semble captiver ses auditeurs.  

Mon vice-amiral,
C’est avec regret que je vous informe de l'arrestation de notre cartographe et navigatrice Eliven Ervaris. Ce nom ne vous est pas inconnu puisqu’il s’agit de la propre fille du capitaine Findar Ervaris qui a disparu en mer depuis peu.

J'ai pris sous mon aile la cartographe Ervaris parce qu'on me l'a présentée comme un élément fiable et compétent, sortie de l’Académie Militaire et de Magie avec une bonne appréciation de ses instructeurs. Ils lui promettaient un avenir tout tracé en tant que capitaine puisqu’elle avait su diriger son bataillon lors d’exercices militaires. Cette jeune elfe montrait aussi beaucoup de sérieux : ni beuveries, ni bagarres. Elle accomplissait ses corvées comme les autres, sans se plaindre et en montrant un grand respect face à ses supérieurs.

Malgré les recommandation des instructeurs de l’Académie, je jugeais que la cartographe Ervaris n’avait pas les qualités pour prendre la direction d’un équipage. Je ne l’ai pas nommée au poste de second. Lorsque je lui ai annoncé la nouvelle, elle a accepté d’un signe de tête sans trahir ses sentiments. Je lui proposais un poste où ses capacités analytiques et sa patience seraient mieux exploitées : la navigation et la cartographie. Comme à son habitude, elle s’est plongée dans le travail sans rechigner. Mais je la reprenais souvent, lui expliquant que les routes qu’elle prévoyait, bien que sûres, ne cadraient pas avec ma politique : sus à l’ennemi, au plus vite, au plus fort ! Je pensais avoir une excellente influence, mais j’ignorais alors à quel point cette recrue me haïssait.

La disparition de son père, pour lequel elle avait une véritable adulation, a influé de manière néfaste sur son travail et sa loyauté à la Couronne. Mon navire a connu une avarie d’eau après avoir percuté un écueil. Le bateau fut immobilisé plusieurs jours. Je réprimandais ma cartographe devant tout l’équipage quand celle-ci me coupa la parole, reprochant ma façon de gérer mes troupes. J’ai été surpris de découvrir que, derrière ce masque silencieux et pondéré, se trouvait une personnalité aussi entêtée, insolente et rancunière. J’ai toujours été bon avec elle, et cette jeune rebelle me reprochait toutes mes prétendues fautes qu’elle récitait par le menu, comme si elle les avait apprises par cœur. Pire encore, j’ai surpris des acquiescements et des regards compatissants parmi mes marins qu’elle avait dû manipuler par ses jérémiades... Vous savez à quel point la piétaille est sensible aux belles paroles !

J’ai donc immédiatement pris des dispositions pour isoler cette agitatrice et la remettre à la garde. Nous n’avons pas besoin d’une mutinerie en cette période délicate. Elle sera prochainement jugée en cour martiale.

Respectueusement.

Je me permets de vous contacter sur les recommandations de votre frère. Je souhaite vous offrir mes services en tant que cartographe, navigatrice ou capitaine.

Je sais que ma réputation à Port-la-Brume a été entachée à cause de mon renvoi de la Marine Royale et que des rumeurs, souvent fausses, circulent sur mon compte. Permettez-moi de rétablir la vérité.

Je suis née il y a trente huit ans dans notre belle ville embrumée. Je suis la fille du célèbre capitaine Findar Ervaris qui combattit inlassablement l’Empire au sein de la Marine. Ses exploits pour repousser nos ennemis et protéger l’isthme lui ont permis de rencontrer le roi et d’être récompensé. Il avait la mer dans le sang et a préféré rester sur son navire plutôt que de devenir amiral et d’endosser de lourdes responsabilités à la Cour.

J’ai donc eu une enfance agréable même si les longues absences de mon père étaient source de tristesse et d’inquiétude. Chaque lettre de sa part et chaque bref retour à la maison était fêté. J’imaginais qu’un jour je naviguerai à ses côtés. Il me le promettait en riant, mais seulement si j’avais de bonnes notes à l’école. C’est à cette époque que j’ai appris à caboter avec les gamins du port. Ici tout le monde a manié une barque et joué à la bataille navale dans sa jeunesse. J’imitais mon père et j’avais déjà mon propre équipage ; nous formions une véritable troupe de petits mousses.

Mon service militaire fut une formalité. Je ne suis pas une forte tête et j’aime l’activité physique. Ce fut une période très enrichissante pour la jeune recrue que j’étais. Lors de mon arrivée à Guet du Maréchal j’ai été très claire sur mon plan de carrière : suivre celui de mon père. J’ai donc privilégié l’agilité à la force et le combat rapproché aux jeux d’épée longue: sur un petit pont il y a peu de place pour plusieurs bretteurs. J’ai aussi montré des prédispositions à la magie.  

Comme je n’étais pas mauvaise dans ce domaine ma famille m’a encouragé à intégrer l’académie d’Arilla. Ma mère devait s’imaginer que je renoncerait au large pour m’établir durablement sur la terre ferme. Ce furent les plus tristes années de ma vie : je me sentais seule et perdue dans cette grande ville. Les mouettes et la fraîcheur vivifiante de l’océan me manquaient. Pendant que notre armée glorieuse enchaînait les victoires, que le Maréchal écrasait l’Empereur, j’apprenais comment Edmund le Vicieux avait inventé un sortilège qui vous couvre le visage de bubons. Les cours ne m’intéressaient pas vraiment, je préférais les récits des explorateurs. Au bout de cinq longues années je suis sortie diplômée du premier cycle.  

J’ai ensuite rejoint la Marine Royale. Les jeunes marins font leurs classes sur le terrain, à la dure. Malgré mes demandes je n’ai jamais réussi à faire partie de l’équipage de mon père. J’ai eu plusieurs postes mais le plus éprouvant fut sur La Fierté Royale, un beau navire à trois ponts pris pour cible par les Impériaux dans le Chenal entre Gasa'ennore et Olios. Durant cette campagne j’ai tué mes premiers ennemis et j’ai ensuite pris la pire cuite de ma vie… Sous les encouragements de mes camarades.

Au fil des ans je me suis hissée au rang d’officier. J’espérais la promotion de capitaine en second mais ma hiérarchie a préféré un noble de la capitale à ce poste. J’ai donc ravalé ma fierté tandis que l’on me destinait au métier à jamais subalterne de cartographe et navigatrice. Il est important qu’un équipage compte dans ses rangs quelqu’un capable de lire une carte et de les modifier au gré des mouvements des bancs de sable. Mais mon rêve d’enfant était de marcher dans les pas de mon père. A cela s’est ajouté une ambiance détestable : le capitaine Galeldan ne brillait pas par son charisme et préférait les remarques narquoises aux explications franches. Ses ordres étaient souvent annulés au dernier moment. Il préférait mener sa propre route au lieu de suivre mes conseils. Si j’avais continué à naviguer avec lui je serais devenue chauve à force de m’arracher les cheveux.

Malheureusement la situation a brusquement dégénéré par ma propre faute. Mon père était parti depuis plusieurs mois pour une mission secrète. Seuls quelques personnes haut placées semblent en connaître le but. Ma mère s’est rapidement inquiétée, comme si son instinct lui dictait que quelque chose était anormal. Enfin un soir un membre de l’amirauté frappa à la porte de notre maison. Il annonça à ma mère que l’Intrépide était porté disparu et l’équipage présumé mort. On nous offrit une compensation financière et ensuite personne ne prit la peine de nous contacter pour de plus amples informations.

Naturellement j’ai été dévastée par cette terrible nouvelle. Je décidais de mener discrètement ma petite enquête auprès des locaux lors de nos escales en espérant que mon père avait mouillé dans leur port. J’ai entendu quelques rumeurs mais je ne sais pas si ce sont des délires d’ivrognes ou la vérité. Mon capitaine m’a reproché ma soi-disant obsession. Je pense qu’il était effrayé à l’idée de perdre sa place si je remuais trop la boue des grands pontes de l’amirauté. Il a cherché à m’évincer et il a enfin trouvé son occasion quand la houle d’une tempête a jeté notre navire sur un écueil que j’avais pourtant signalé. Il m’accusa à tort devant tout l’équipage réuni sur le pont. Ce fut l’humiliation de trop. Je vidais mon sac sur les années d’amertume et de petites vexations quotidiennes. Comme punition on me ligota et on me jeta dans la cellule du navire, au pain et à l’eau.

La suite, vous la devinez. Ce fut la cour martiale. Mon patronyme avait attiré l’attention sur mon cas. Je découvrais que le gradé qui instruisait mon procès semblait avoir bien connu mon père. D’anciens camarades de la Marine témoignèrent courageusement de mon sérieux et d’autres qui avaient eu affaire au capitaine Galeldan évoquèrent son autorité discutable. On enterra le dossier en prétendant que mon deuil était la source de ma colère. Le capitaine Galeldan eut la joie d’apprendre que j’étais radiée de l’armée à cause de ma sensibilité. Après des excuses prononcées du bout des lèvres j’étais renvoyée à la vie civile.

Je regagnais ma maison familiale à la fois heureuse de ne pas avoir écopé d’une lourde peine mais triste à l’idée que plus jamais je ne pourrai redevenir une protectrice de notre mère patrie. Mais j’ai acquis une expérience navale et militaire que je peux mettre au service des marchands de notre belle nation, puisse t-elle prospérer encore des siècles. Je suis donc libre de tout engagement et prête à partir en mission.

Cordialement,
Eliven Ervaris